Henri François d’Aguesseau naquit à Limoges le 27 novembre 1668 dans une famille de parlementaires anoblis à la fin du XVIe siècle. Son père était alors intendant du Limousin, ce qui explique sa naissance à Limoges, sa mère Claire Eugénie Le Picart de Périgny était la nièce de l’avocat général au Parlement de Paris Omer Talon.
Grand lecteur de Descartes, il en retint la rigueur et la clarté qu’il appliqua à la science juridique, à l’image de Jean Domat, jurisconsulte qui exercera sur lui une profonde influence. Il devint avocat du roi au Parquet du Châtelet en 1689 puis avocat général au Parlement de Paris en 1691, fonctions dans lesquelles il devint un maître dans l’art oratoire. Élevé dans un milieu janséniste, il en fut lui même très proche, comme la plupart des parlementaires de son temps. Il fut nommé Chancelier en 1717 et assuma cette charge jusqu’au 27 novembre 1750, date à laquelle il démissionna de ses fonctions et prit sa retraite. Malgré deux épisodes de disgrâce (1718-1720 pour opposition au système de Law et 1722-1727 lors de l’arrivée du cardinal Dubois aux fonctions de ministre principal), il put accomplir de profondes réformes dans ses fonctions de Chancelier. S’il ne tenta pas véritablement d’unifier le droit civil, qui conserva à cette époque une grande dimension identitaire à laquelle les communautés et territoires attachaient un grand prix, du moins parvint-il à simplifier les règles appliquées en matière de donations (1731), de testament (1735) et de substitution (1747). Les grandes ordonnances d’Henri François d’Aguesseau marquèrent indéniablement une étape majeure dans l’unification du droit que seule, par la suite, la Révolution parvint à réaliser. On lui doit également des évolutions significatives en matière de procédure, et surtout d’avoir fixé les principales règles du recours en cassation (1738).
À côté de cette œuvre législative, Henri François d’Aguesseau rédigea un grand nombre d’ouvrages pour son propre usage, car ses hautes fonctions lui imposaient une réserve qui en interdisait la publication. C’est donc après sa mort que ses textes commencèrent à être connus. Une première édition de ses Œuvres en 13 volumes parut entre 1759 et 1789. Très rapidement, ils furent admirés, car son œuvre mettait en lumière la raison juridique qui innervait l’ancien droit. Sa bonne connaissance du cartésianisme en fit aussi un auteur « moderne » qui jeta les fondements d’un nouvel ordre juridique centré sur la loi, l’intangibilité de l’ordre juridique ou le principe de collégialité.
Henri François d’Aguesseau était issu d’un milieu érudit et éclairé. Il exprimait des idées qui furent reprises par les Lumières et mises en œuvre en partie par la bourgeoisie impliquée dans le processus révolutionnaire, en particulier le rejet de la féodalité et la prise de conscience de la constitution d’une unité nationale. Ses idées religieuses le portaient vers une certaine rigueur janséniste mais son expérience de la vie politique et administrative le conduisirent à prendre des positions gallicanes, contribuant à intégrer l’Église dans l’État, ce pourquoi on a pu voir en lui l’un des inspirateurs de la constitution civile du clergé. Henri François d’Aguesseau mourut à Paris le 9 février 1751. Il avait alors 82 ans ; son épouse, Anne Françoise Lefèvre d’Ormesson avait disparu depuis longtemps en 1735. Il laissait le souvenir d’un homme de mérite et de vertu, d’orateur et de grand juriste. Plusieurs monuments témoignent des hommages qui lui furent rendus, en particulier des statues à son effigie et un médaillon de céramique intégré dans la façade de l’Hôtel de ville de Limoges, sa ville natale qui donna aussi son nom à une rue proche du Palais de justice.
Notice rédigée par Pascal Plas, OMIJ, Directeur de la Chaire d’excellence Gestion du conflit et de l’après-conflit